Entre les blocs, les bancs - 4

Publié le 30 Novembre 2010 par moldaviemoldova.over-blog.com in Dessins

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   Entre les blocs il y a aussi les pigeons qui s'envolent sous les bourrasques et se réfugient, les uns contre les autres sur les fils électriques. Des accents russes qui s'essaient au roumain et du roumain mâtiné de russe.

Des allées défoncées, bordées d'arbres, et des adolescents qui glissent dans la boue, courant après un ballon. Il y a l'eau qui ruisselle en rigoles lorsque la pluie se fait drue et un enfant qui jaillit de son bloc, propulsé par le besoin de nicotine de sa mère. Des rires un peu partout, en cascade, et des silences aussi. Un corbeau qui croasse, dans l'humidité. Entre les blocs il y a du linge qui tente de sécher, tendu sur un fil entre un arbre et un balcon fermé, et qu'on ramène chez soi en manoeuvrant une poulie rouillée.

Il y a ce bruit sourd du tapis que l'on frappe, à coups répétés, pour le nettoyer. Un autre tapis qui vole, lancé d'une fenêtre et récupéré au sol, et cet homme qui chaque jour passe plusieurs heures à faire briller sa voiture. Il y a ces amoureux qui restent dans le noir devant l'entrée de leur immeuble, profitant du froid pour se rapprocher encore, sur leur banc branlant. Il y a ces sacs plastiques de poubelles, qui se balancent aux bouts des bras des habitants, jusqu'à atterrir dans l'espace qui leur est réservé, les bouteilles en plastiques encagées entre elles, et qui vivent encore un peu derrière leur grille, sous le regard des chiens errants. Il y a des énormes tuyaux qui courent le long du sol et qui parfois s'élèvent à angle droit pour dessiner un portail, puis qui continuent leur chemin, abîmés et imperturbables.

 

   Entre les blocs il y a des jeux, partout des jeux, des qui font rêver, jaune vert bleu rouge, toboggans et tourniquets, balancelles sans balançoire, petites fusées de la guerre froide restées au sol et dont la peinture s'écaille doucement. Des filles qui fument à leur fenêtre. Des enfants qui mastiquent des graines de tournesol et des vieilles femmes qui réajustent leur fichu. Il y a des couples qui se promènent, main dans la main, et qui ont un sourire collé sur les lèvres. Des petits commerces ouverts, ouverts, ouverts, cigarettes à 10 lei et bière Chisinau, citrons clinquants et carottes aux plis incrustées de terre, petits gâteaux fourrés et pelemini surgelés. Un fou rire qui surgit et qui s'étend,  comme la procession en déviation des bottes et des chaussures de cuir évitant les flaques.

Numéros marqués au pochoir sur les flans des blocs.  Et la nuit presque noire sous le faible éclairage public quand vient dix-sept heures. Il y a aussi tout ça, derrière les blocs, impossible à dessiner, à peine saisissable. Une vie qui fourmille, qui s'agite derrière et devant les rideaux aux fenêtres. Une légèreté.